SO FOOT Blog 10 avril 2012
Les raisons du désamour des buteurs à l’ancienne
Non, en 2012 le football n’accroche pas avec Falcao. Et il n’est pas le seul mal-aimé. Les Gomez (97 buts en 104 matchs depuis deux saisons), Huntelaar (48 buts en 51 matchs cette saison) ou Higuain (qui a la stat hallucinante de 21 buts sur 54 tirs en Liga cette saison, 39% de réussite !) n’ont pas plus de crédit. Le constat est simple : marquer des buts ne suffit plus pour être considéré comme un très grand attaquant. Prenons la liste des meilleurs attaquants au monde : Messi, Zlatan, Rooney, Van Persie, Cristiano, Aguëro, ou même Tevez, Luis Suarez, Torres, Cavani, Robben ou encore Benzema (liste non exhaustive), des joueurs qui non seulement marquent beaucoup mais qui savent faire bien plus. Ils jouent à la mène, participent à la construction, peuvent évoluer très loin de la surface, dans l’axe ou sur l’aile, lâchent des assists, des diagonales.
En fait, nous avons assisté durant les années 1990 et 2000 à la naissance d’une génération d’attaquants capables de tout faire (les Ronaldo, Rivaldo, Sheva, Raul, Henry, Totti, Eto’o, Adriano, etc.) qui a fini par tuer les vrais tueurs, produisant des combos 7-9-10-11 que sont devenus les Messi et les Cristiano. Quand Falcao plante 38 buts en 42 rencontres en 2010-2011 pour Porto (quatre titres), il est dit qu’il ne sait faire que des têtes. Pipita Higuain est annoncé sur le départ à Madrid, malgré une efficacité incroyable, victime de la polyvalence d’un Benzema qui « participe plus au jeu ». Gomez et Huntelaar sont des joueurs « chanceux », n’est-ce pas ? Il faut croire que Gerhard Muller n’a pas laissé un héritage très positif. Une évolution du football ? Certainement. Une concurrence plus rude pour jouer près des buts ? Sans aucun doute. Mais pourquoi ce désamour ? La reconnaissance de ces génies unidimensionnels a deux facettes : celle du public, faite d’amour et de popularité, et celle de leurs entraîneurs, faite de temps de jeu et de confiance.
Pour ce qui est de l’amour du public, les vautours ont clairement du mal à séduire. Leur mojo est parti. Il suffit de comparer la réaction du spectateur à l’action de l’attaquant moderne et à celle du buteur à l’ancienne pour comprendre pourquoi.
L’attaquant moderne qui a la finesse des gestes d’un meneur de jeu sait caresser la balle, dribbler en douceur, brosser le ballon d’une façon si plaisante que nous ne nous lassons pas des ralentis de ses buts. C’est beau, cela fait sourire, cela fait plaisir. Parfois, en admiration totale devant une action, nous pouvons même tenter d’anticiper le prochain geste de cet attaquant moderne, avant de se laisser surprendre et guider par son talent angélique. Le temps se suspend lorsque le stade admire la trajectoire de ce ballon qui contourne les gants du gardien pour aller se loger dans la lucarne opposée, aussi bien pour le supporter adverse que pour le spectateur neutre. Parfois, le seul fait de regarder le gros plan sur la chaussure réalisant un petit pont lors d’un super ralenti fait émerveiller le peuple. Le talent à l’état pur. La joie.
A l’opposé, le geste du pur buteur est fait d’une seule touche de balle, ou deux s’il y a contrôle. Ce geste est sec, rapide, inattendu, moche, terrible, méchant, cruel. Imaginez que le ballon traîne dans la surface de votre équipe, il passe le premier poteau, vous frémissez, il continue sa course, vous êtes terrifiés, mais personne ne le touche, vous reprenez vos esprits, vous vous apprêtez à souffler un peu lorsqu’au fin fond du second poteau, là où vous ne pensiez qu’il n’y avait plus aucun danger, là où personne ne devrait se trouver par raison, un bout de pied (ou autre) vient pousser le cuir au fond des filets. Tragique, diabolique, d’une brutalité inouïe ! En plus, le ballon n’est jamais bien touché, le gardien arrive toujours à toucher le cuir sans jamais en dévier la trajectoire, la sphère trouve forcément le moyen de passer entre les deux cuisses du défenseur central adverse là où il n’y a physiquement pas assez de place ! L’impuissance de l’homme bon face à la cruauté du football. Si nous étudions ce match de football comme une tragédie, ce but diabolique ne rentrerait pas dans l’analyse de la « machine infernale » de Cocteau : il n’y a pas d’engrenage tragique, pas de mal entraînant le mal, pas d’erreur défensive entraînant une autre et donc un but encaissé. Nous serions plutôt dans le fameux « jusqu’ici tout va bien, jusqu’ici tout va bien, jusqu’ici tout va bien » de La Haine. Accepter de jouer face à un tel buteur revient à accepter l’inévitable, et attendre, attendre, attendre, jusqu’à la chute.
Ce buteur va alors courir à toute vitesse vers un côté du terrain, comme un fou, un taré, un possédé, preuve ultime que ces actions sont dessinées par le diable. Pire, parfois le ballon ne touche même pas les filets. Il passe alors lentement la ligne et s’arrête au milieu du but. Comme s’il n’y avait pas eu but, comme si le tableau d’affichage nous mentait, nous riait au nez. Pas de bruit, pas de secousse émotionnelle provoquée par le mouvement des filets, mais juste un fait : le ballon a passé la ligne. « Ça compte, ça ? », demanderait un enfant. Enfin, si jamais cet attaquant cruel ose avoir la dégaine subtile d’un Pippo Inzaghi, vous avez alors l’impression de vous être fait violer par le Mal incarné. D’ailleurs, cela n’est pas seulement désagréable pour vous, mais bien pour tout spectateur neutre qui voit ce spectacle en se disant : « quelle horreur, ce genre de choses ne devrait pas arriver ». Dans ces moments-là, vous vous dites que la question n’est pas de savoir comment Inzaghi a pu « naître hors-jeu », mais plutôt pourquoi il est né tout court ! Préférez-vous perdre une finale de LDC comme Manchester en 2011 ou comme Liverpool en 2007 ?
Quant à la confiance des entraîneurs, là aussi nous pouvons observer une évolution, et celle-là nous ne la comprenons pas. Pourquoi Allegri ne met pas Inzaghi sur la liste Champions League du Milan cette saison quand nous savons tous ce que Pippo aurait pu apporter face au Barça ? Beaucoup de choses ont été racontées sur les exploits de Kaka et Seedorf lors de la LDC 2007, mais si Inzaghi n’avait pas été là… Pourquoi n’a-t-on pas réussi à convaincre Trezeguet de terminer sa carrière en Ligue 1 ? Et pourquoi Blanc ne l’emmenera-t-il pas à l’Euro ? Si Huntelaar et Klose jouent à la pointe de l’attaque de leur sélection, il doit y avoir une raison. Pourquoi Aulas n’avait-il pas un Brandao à faire rentrer samedi soir ? Le talent du buteur-inné est finalement peut-être trop négligé dans la détection des talents. Ou alors, dans ce football où les coachs cherchent à avoir le contrôle le plus total sur tous les éléments, ont-ils peur ? Peur de ne pas pouvoir contrôler ce Mal incontrôlable ? Peur de ne pas pouvoir expliquer pourquoi le nombre de buts de ces êtres n’est pas proportionnel à leur nombre d’heures d’entraînement ? Il n’y a pas de réponse générale. Certains buteurs trouvent un certain temps de jeu dans certains systèmes de certains coachs pour certains matchs dans certaines compétitions, et c’est suffisamment incertain comme cela.
Mais ce qui ne changera jamais, c’est la finalité du football : mettre le ballon au fond des filets plus de fois que l’adversaire, peu importe le nombre de passes réalisées ou les statistiques de possession de balle. Si le football est un sport unique, c’est aussi grâce à ces joueurs uniques. Au tennis, au rugby, au basket, au hand, il est rare qu’un camp bien plus faible que l’autre parvienne à l’emporter. Dans le football, tout est possible. Faire passer un ballon rond derrière une ligne blanche, rien de plus. Pour ça, vous pouvez avoir besoin de tactiques élaborées, de dribbles fantastiques, de courses impressionnantes, ou alors juste d’un bout de pied, cuisse, mollet, hanche ou tête qui traîne quelque part dans la surface au bon moment.
Notons que nous pouvons malheureusement observer la même évolution en ce qui concerne les joueurs de tennis jouant systématiquement le service-volée. Stefan Edberg le magnifique avait cette même façon de « tuer » le point cruellement.
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