Fautetactique.com 23/03/2013
Leur conduite de balle allie un toucher magique, une imprévisibilité déconcertante et un coup d’œil qui relève parfois de l’irréel. Le talent à l’état pur, irrégulier, flamboyant, émouvant même. Le football réuni dans les pieds et les yeux de deux hommes. L’un ressemble à Némo, l’autre à Casper. Et ça rend leur duel d’autant plus épique. Andrés et Mesut sont les deux couches de peinture qui rendent le tableau du Clasico merveilleux. Qui font sourire, peu importe le résultat et la manière. Ils sont là pour autre chose, pour nos yeux, au service de la beauté du jeu.
En décembre, FT avait publié une série d’articles à l’occasion de la « semaine Clasico ». En plus duportrait de Guardiola et d’un « FT y était au Clasico », deux duels avaient été traités : celui desdictators (ceux qui dictent le jeu) Xavi et Xabi Alonso, et puis celui des destructeurs Pepe et Puyol. C’est-à-dire deux duels focalisés sur les thèmes de la construction et de la destruction, les bases structurelles de ces deux équipes hors-normes. Nous aurions pu aussi parler du duel stratosphérique qui oppose depuis 2009 Cristiano Ronaldo et Lionel Messi. Cela aurait alors été le duel des « finisseurs », ou plutôt des décideurs. CR7 et Leo sont devenus les decision makers du Clasico (et peut-être même de tout le football européen si une finale de Champions League 100% espagnole a lieu). Pourtant, ce serait une erreur si, d’ici à la fin mai, vous accordiez plus d’importance à ce duel-là qu’à celui opposant, ou plutôt réunissant, Mesut Özil et Andrés Iniesta.
La beauté contre la performance
Le duel sur lequel nous nous concentrons ici traite ainsi de nouveaux thèmes : la création, l’art, la beauté. Ces thèmes ne se focalisent ni sur le résultat, ni sur la construction et la destruction du jeu. Ils font un zoom sur des moments, des éclairs, des instants. En 90 minutes, seulement une petite dizaine peut-être. Et c’est bien pour ces moments-là que nous devrions profiter des Clasicos à venir, confrontations directes et à distance comprises. Il ne s’agit pas ici de dire qu’untel est meilleur que l’autre, ou que le style de jeu d’Özil et Iniesta est « meilleur » que celui de Cristiano et Messi. Il y a des joueurs dont on tombe amoureux, et d’autres qui ne nous le permettent pas. Aujourd’hui, le duel « Cristiano vs Messi » occupe énormément d’espace. Des stats incomparables, des popularités inégalables, des salaires inimaginables, etc. C’est unique, fantastique, efficace, impressionnant, inhumain, intraitable, cruel pour les autres, et diaboliquement puissant. Deux véritables machines lancées à toute allure, que rien ne peut arrêter. Ni la pression, ni les échecs.
Mais voir évoluer ces deux êtres supérieurs aussi bien physiquement que mentalement, ce n’est ni beau, ni émouvant. Vous raconteriez à vos enfants, vous, que vous avez versé une larme en voyant Cristiano et Messi marquer une cinquantaine de buts cinq saisons d’affilée ? Auriez-vous préféré « witness » la grandeur du métronome Tim Duncan ou les tours de magie d’un Pistol Pete Maravich ? De notre côté, on préférera raconter à nos gamins notre inestimable chance de voir tous les weekends Iniesta conduire son ballon entre des défenses entières sans le regarder une seule fois, ou alors Özil distiller des passes aveugles entre des lignes que personne n’aurait pu distinguer. Certains peuvent être assez présomptueux pour penser qu’il est possible de reproduire les gestes de CR7 et Messi, mais personne n’est capable de dire qu’il a ne serait-ce qu’un dixième de la grâce du toucher d’Iniesta et Özil. Ce sont ces gestes, ces conduites de balle, ces angles de crochet, cette façon de danser, de passer, de feinter, de dribbler, de voir sans regarder et de frapper si naturellement qui nous fait dire que le football peut être un art. Si Kant avait eu la même chance que nous, il aurait certainement utilisé Mesut et Andrés pour démontrer que la beauté s’impose à l’être humain.
Attention, Özil et Iniesta ne sont ni les premiers « beaux joueurs », ni les seuls à évoluer aujourd’hui. Dans l’Histoire, de nombreux joueurs ont atteint ce niveau de beauté sur le terrain. Un joueur comme Zidane a même réussi à l’associer à la force de frappe, à la puissance, pour devenir à la fois le meilleur et le plus beau. Si Maradona sera pour toujours le plus grand, c’est bien parce qu’il a su mieux que quiconque regrouper le côté extra-terrestre de celui qui réalise des exploits surhumains chaque semaine au côté nonchalant de celui qui joue pour la beauté du geste. De nos jours, d’autres spécialistes que Mesut et Andrés exercent leur art à travers le monde. Tout en restant ouvert au débat, on peut parler de David Silva en Angleterre, Javier Pastore en France, Cassano en Italie dans une certaine mesure, ou encore Riquelme en Argentine, qui continue à faire chavirer les cœurs.
Deux chefs d’œuvres
Le chef d’œuvre d’Iniesta lors du Clasico aller de Liga, au Bernabéu, vous a certainement émerveillé (vidéo). En cette nuit de décembre, le natif d’Albacete est absolument intouchable et fait fantasmer toute la planète football de ses fabuleux slaloms, y compris le Bernabéu qui en oublie son morbo envers le Barça. « Ce joueur à la peau transparente joue comme le fils de Dieu », entend-on alors dans les travées du stade. Comme un ange, tout aussi fragile que magique. Durant une heure et demi, Andrés dribble Pepe, Ramos, Xabi Alonso ou encore Coentrao avec une grâce presque religieuse. Le fait qu’il n’ait inscrit aucun but rend sa prestation encore plus mythique, car le tableau de score que l’Histoire retiendra ne le valorisera pas comme un acteur majeur de la rencontre. Un peu comme s’il n’était jamais venu, comme s’il n’avait pas existé, comme si les 80 000 témoins de ce match avaient rêvé.
Deux mois plus tard, lors du quart de finale retour de la Copa del Rey 2012, Mesut Özil réalise ce qui reste sans aucun doute aujourd’hui sa meilleure partition face au Barça. Des feintes de corps qu’Abidal (courage, gros) n’oubliera jamais, des passes aveugles que le spécialiste Busquets n’interceptera finalement jamais, et cette faculté fabuleuse à créer du mouvement, à dynamiser toute une animation offensive, à inventer. Entre autres, le ballon que l’allemand dépose sur la barre de Pinto à la 25ème minute est pour toujours gravé dans nos mémoires (vidéo). La façon avec laquelle le ballon s’envole, flotte silencieusement dans l’air barcelonais, puis retombe violemment sur la barre symbolise bien la délicatesse du jeu d’Özil. Un joueur qui nous met des claques en jouant avec finesse. Finalement, c’était un tir trop parfait pour devenir un simple but de plus. Il sera maintenant rangé à jamais dans une catégorie à part, comme la tête de Zidane face à Buffon un fameux soir de juillet 2006.
Ode à l’irrégularité
Il est intéressant de noter que ces deux joueurs n’ont jamais un rendement continu sur quatre-vingt dix minutes. Si Özil et Iniesta sont assurément capables de réaliser des prouesses comparables à celles de Cristiano et Messi, ils sont tout aussi certainement incapables de les répéter avec autant de régularité, d’où un certain nombre de critiques envers les deux joueurs, que ce soit pour leurs blessures ou leur manque de constance. Il ne fait aucun doute que leur irrégularité est fâcheuse pour leurs clubs respectifs, mais pour nous ? Au contraire, on aime affirmer qu’un joueur irrégulier ne fait pas la même chose deux fois, d’où un sentiment de rareté. On regrette tous de ne pas avoir assisté aux plus belles courses de Senna, aux meilleurs moments de Sebastian Daisler ou encore aux meilleurs matchs de Drazen Petrovic. L’exceptionnel n’arrivant pas tous les weekends, un hat-trick de Cristiano ou de Messi n’a plus rien d’exceptionnel. C’est l’art contre la performance, l’homme contre la machine. Nos deux artistes réalisent parfois une heure, quelques fois une demi-heure, plus souvent une mi-temps de niveau incroyable. Comme s’ils ne contrôlaient pas cet art. Comme si les entraînements quotidiens avec les meilleurs préparateurs au monde ne suffisaient pas pour maîtriser cette force interne incontrôlable, plus forte qu’eux, plus forte que Mourinho et Guardiola, plus forte que nous tous. Une impulsion qui donne l’impression qu’ils ne choisissent pas vraiment le moment où elle sort. Une sorte de révélation. Le talent à l’état pur.
Une métaphore des Clasicos avec le jeu d’échecs permet de mieux comprendre cette créativité, incontrôlable par définition. Prenons un jeu d’échecs. Deux camps, les blancs d’un côté face aux noirs de l’autre. Il est possible de rapprocher les personnages majeurs du Clasico aux pièces d’un jeu d’échecs.
Pour les deux « équipes », le but est de faire tomber le Roi adverse. Ces deux rois, ce sont Casillas et Valdés. La Reine est la pièce la plus puissante, la plus douée, capable de plier une partie d’une seule accélération ou d’une seule frappe, d’une seule fulgurance. La Reine est celle qui termine les parties, elle est Messi et Cristiano (Benzema également et Eto’o à une époque). Ensuite, les tours. Chargées en premier lieu de défendre le Roi, elles couvrent plusieurs lignes et il est préférable de les bouger de façon coordonnée, de la même manière qu’une défense joue le hors-jeu. Ce sont Piqué et Puyol (et Abidal) d’un côté, et Pepe et Ramos de l’autre. Dans le jeu offensif cette fois-ci, viennent les fous. Capables de se déplacer en diagonale sur toute la largeur du jeu, ce sont les pièces chargées de déséquilibrer le camp adverse par des percées au sein de la défense ennemie ou sur ses côtés. Ce sont les ailiers Di Maria et Callejon, Pedro et Alexis Sanchez. Puis viennent les cavaliers. Ayant un rôle à la fois offensif et défensif, ce sont les pièces les plus polyvalentes du jeu, capables d’enchaîner replis et attaques selon la tactique employée. Ils apportent le surnombre en sautant des mètres de défense, tout en pouvant revenir fermer les espaces laissés derrière. Ce sont Dani Alves et Marcelo. Dans cette perspective, toutes les pièces ayant été prises, il faut trouver de la place pour Xavi et Xabi Alonso. Chargés de l’organisation et de la construction du jeu de leurs équipes respectives, ils sont les maîtres à penser, les cerveaux de leur camp. Logiquement, ils prendraient alors le rôle du joueur d’échecs, celui qui place les pions.
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